I)
a) La réduction du nombre de conventions collectives en France ainsi que l’élargissement de la couverture conventionnelle du plus grand nombre de salariés constitue un des axes permanent de la politique du travail depuis plusieurs dizaines d’années.
Pour autant, ce mouvement, amplifié par la loi du 5 mars 2014, ne constitue pas une fin en soi et doit s’effectuer avec rigueur en maintenant au cœur de la branche professionnelle la notion de « profession », la similarité de l’organisation économique et des sources de revenu des secteurs regroupés ainsi que la cohérence dans les métiers et les emplois dominant dans les nouveaux champs conventionnels.
A défaut, ce qui constitue sans doute un progrès dans l’ « organisation » de la négociation collective comporterait sa propre contradiction en éloignant à l’excès la branche des entreprises encourageant ainsi la recherche d’un plus petit commun dénominateur social entre les professions réunies dans un ensemble manquant alors de cohérence. Ainsi, le regroupement artificiel de branches de tailles très diverses, regroupant des métiers avec des intitulés proches mais des contenus en réalité très différents, des activités économiques et des marchés du travail connaissant des tensions divergentes et regroupant des fédérations syndicales et patronales d’origines diverses peut difficilement constituer un modèle cohérent pour le développement d’un dialogue social de qualité.
Cela est d’autant plus vrai que beaucoup de « petites » branches ont pour adhérents des petites et moyennes entreprises. Que devient alors la proximité nécessaire pour accomplir l’une des fonctions essentielles de la négociation collective : l’amélioration négociée des conditions de travail et d’emploi des salariés des TPE et des PME dépourvues de présence syndicale en leur sein ? Les textes applicables ne paraissent guère adaptés à la bonne gestion de ce mouvement.
b) Aujourd’hui, le Ministre du travail peut intervenir, éventuellement de manière autoritaire à défaut d’accord entre plusieurs branches vers un regroupement volontaire lorsque certains critères non cumulatifs sont remplis (art. L 2261-32, I du Code du travail) et dès lors que ces branches « présentent des conditions sociales et économiques analogues » :
- Lorsque la branche compte moins de 5000 salariés ;
- Lorsque la branche a une activité conventionnelle faible ;
- Lorsque la branche est uniquement régionale ou locale ;
- Lorsque moins de 5% des entreprises de la branche adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs ;
- En l’absence de mise en place ou de réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation ;
- En l’absence de capacité à assurer effectivement la plénitude de ses compétences en matière de formation professionnelle et d’apprentissage ;
- Afin de renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives, critère écarté par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 29 novembre 2019 comme laissant une latitude excessive au Ministre du travail dans l’appréciation des motifs susceptibles de justifier la fusion, puisqu’aucun élément légal ne limite une telle analyse pouvant s’opposer parfois à la liberté contractuelle.
Il apparaît que la difficulté caractérisant un excès de rigidité au détriment de la nécessaire proximité réside dans l’absence de cumul nécessaire entre ces critères. Une ou plusieurs branches qui cumuleraient l’ensemble de ces critères devraient sans doute intégrer un ensemble plus vaste écartant ces différents manques. En revanche, le seul critère de la taille par exemple, alors que l’ensemble des autres critères seraient exclus, paraît quelque peu bureaucratique. Ceci incite à militer pour un cumul même partiel de ces indicateurs pour envisager une fusion « administrée » entre plusieurs branches professionnelles, les fusions volontaires demeurant toujours libres, bien évidemment. Un accord majoritaire, voire unanime, au sein d’une branche pour ne pas être fusionnée autoritairement pourrait d’ailleurs appuyer la pertinence du maintien de la branche concernée en l’état.