Une crise, qu’elle soit sociale, politique, économique…ou sanitaire, traduit un trouble ou un déséquilibre profond. Elle passe par une phase paroxystique durant laquelle aucune porte de sortie n’est entrevue. Exprimant souvent le passage douloureux d’un état à un autre, elle signe l’échec des dispositifs de régulation habituels et porte en elle la transformation à laquelle elle doit aboutir. Toute la question est celle du prix auquel cette transformation adviendra, sachant que le retour à l’équilibre ne signifie généralement pas à un retour à la situation ex ante. Il s’agit toujours d’un nouvel équilibre, que d’aucuns appelleraient compromis, et qui doit être recherché activement entre toutes les parties prenantes car, à défaut, la crise non réglée devient un malaise, aboutissant à une dégradation chronique larvée de la situation, non moins destructrice.
Dans le champ des relations sociales, l’équilibre retrouvé atteste de la réduction des tensions entre employeurs et salariés et donc de la sortie de crise. Il exclut par définition l’imposition de solutions unilatérales par l‘une des parties à l’autre. Mal appréhendée, traitée au nom de l’efficacité de manière exclusivement prescriptive et autoritaire, la crise perdurera. La pérennité des solutions passe donc par leur soutenabilité et leur acceptabilité lesquelles dépendent, au propre comme au figuré, de la manière dont le virage est négocié. Mais la crise, parce qu’elle appelle des solutions énergiques, est-elle compatible avec la temporalité de la négociation, c’est à dire de la discussion et du débat ? Est-elle au contraire une situation d’exception qui justifierait un processus de résolution s’affranchissant du dialogue ?
Qui dit crise dit désorganisation et qui dit désorganisation dit perte de production, de qualité, d’efficacité, de performance... Une organisation dysfonctionnelle ne saurait s’en sortir par la magie d’un management descendant et l’instauration de dispositifs techniques prétendant appréhender toutes les dimensions d’une situation par essence complexe. Puisqu’il y a dualité, la recherche d’équilibre entre ses pôles implique nécessairement la délibération, laquelle passe par la parole et le dialogue pour faire émerger en premier lieu la compréhension de ce qui nous échappe. L’information réciproque sur les causes et les enjeux de la crise doit donc être largement partagée afin de pouvoir imaginer des solutions de sortie collectivement (sup)portées.