Dans la gestion de la crise, ces responsables disposent de circuits privilégiés et en partie fiables d’information. Mais quelles que soient leurs qualités, ils sont insuffisants. La sociologie des organisations montre à quel point les dirigeants ont besoin de s’écarter des circuits traditionnels, le plus souvent hiérarchiques, pour appréhender la complexité et la diversité des situations et tester l’acceptabilité des mesures qu’ils envisagent de prendre.
Dans ce schéma, le dialogue social peut être un outil d’une rare efficacité.
Le dialogue social et la négociation sont d’abord des lieux privilégiés où l’on confronte les informations et les appréciations. La discussion implique, par nature, une forme d’humilité et d’ouverture des dirigeants face à des faits qu’ils ne connaissent pas nécessairement ou des interprétations différentes et originales de ces faits. Dans la seconde phase, celle de la négociation qui tend à définir les mesures qu’il convient de prendre, il n’y a pas de meilleures épreuves de la compréhension, de la légitimité et de l’acceptabilité des mesures envisagées qu’une discussion avec des interlocuteurs extérieurs à la chaîne hiérarchique et ayant une légitimité propre.
Pour que ce dialogue soit efficace, encore faut-il qu’il s’adapte à la spécificité de la crise.
Pour les dirigeants, la crise est toujours le moment de vérité qui tel un miroir grossissant va mettre davantage encore en lumière leurs qualités mais aussi leurs défauts voire leurs faiblesses. Or toute la difficulté est que l’autorité qu’exige d’eux la crise ne se traduise pas par de l’autoritarisme et/ou par des attitudes de raidissement mais au contraire par une posture d’ouverture, d’écoute, de transparence et d’adaptation permanente. Ce sont précisément ces qualités qu’exigent le dialogue et la négociation. « On ne change pas une entreprise par décret » (Seuil 2020), écrit François Dupuy. Cela a toujours été vrai mais cela l’est plus encore en situation de crise. De ce point de vue, avis aux chasseurs de tête, aux recruteurs et surtout aux organisations dans le choix des nominations et promotions : la crise sanitaire que nous vivons est le test absolu pour apprécier les qualités d’un cadre supérieur. Ni étude graphologique hasardeuse, ni entretien psychologique aléatoire, une seule question : quel a été son comportement et son management pendant cette période ?