Pourquoi ce sujet de thèse ?
Laurent Willocx
: Initialement le sujet de thèse était « le réalisme du droit du travail ». Il avait été élaboré par M. Antoine Jeammaud. L’expression « réalisme du droit du travail » avait vocation à rendre compte de certaines caractéristiques classiquement prêtées au droit du travail contemporain, tenant à la prétendue proximité de cette branche du droit avec l’empirie socio-économique. Le choix d’une approche historique est venu très tard.
Sylvaine Laulom
: Schématiquement, à l’origine, la recherche devait ainsi porter sur « le réalisme » et sur ses expressions en « droit du travail », le sujet a ensuite évolué. C’est le propre, je crois, de tout travail de thèse : à partir d’une première intuition, la recherche mène à des résultats qui n’étaient et ne pouvaient pas être prévus.
L. W.
: Le choix de l’approche historique dérive de ma volonté de croiser le discours sur le réalisme du droit du travail avec le discours sur les rationalités du droit. Ce dernier, inspiré des œuvres de Max Weber et de Michel Foucault, et porté en France par M. Alain Supiot notamment, explique les caractéristiques du droit du travail en les rapportant aux évolutions historiques de la rationalité du droit. A suivre ce discours, le réalisme du droit du travail proviendrait d’une rupture dans la théorie et la pratique du droit, rupture dont le moment 1900 serait le siège : avant ce moment, le droit n’aurait pas été réaliste ; depuis, il le serait devenu. C’est précisément cette idée reçue, largement partagée dans les cercles travaillistes et au-delà, que ma thèse réfute. Je démontre que tout ce qui justifie que l’on parle de réalisme à propos du droit du travail aujourd’hui se retrouve dans celui d’hier. Je fais ainsi revisiter à mon lecteur certains monuments de l’histoire législative française, en les faisant apparaître sous un jour – je l’espère – nouveau. Parmi ces monuments, je retiens en particulier la loi Le Chapelier de 1791, la loi du 22 Germinal an XI et le Code civil de 1804, et enfin la loi de 1841 sur le travail des enfants.
Quel est, selon vous, l'apport de la thèse au droit ?
L. W.
: L’apport à la connaissance du droit est double : conceptuel et empirique. En effet, je propose une clarification de la signification de l’expression « réalisme », en distinguant plusieurs concepts. La grille conceptuelle ainsi élaborée est applicable à tout ordre juridique ou segment d’ordre juridique, passé ou présent. De ce point de vue, mon travail intéresse toutes celles et tous ceux qui prennent le droit pour objet de leurs réflexions : juristes privatistes et publicistes, historiens et comparatistes, mais aussi théoriciens, philosophes, sociologues et économistes du droit. Sur le plan