Pourquoi ce sujet de thèse ?
LT :
L’intérêt collectif est une notion clé du droit du travail. Parce qu’il est l’un des concepts qui ont permis la prise en compte par le droit de la dimension collective des rapports de travail, il est indissociable des débats qui ont structuré cette branche du droit, depuis les origines jusqu’à aujourd’hui. Il peut, ainsi, être regardé à la fois comme la pierre angulaire du droit syndical et comme le ciment de toute représentation collective. Alors que l’accord collectif fait, au gré des réformes législatives, l’objet d’une promotion sans précédent au sein des sources du droit du travail, il est apparu utile, sinon nécessaire, de se poser à nouveau la question de la place de l’intérêt collectif dans le droit du travail.
Une telle étude supposait toutefois de résoudre la difficulté qui s’attachait au caractère insaisissable de la notion : l’intérêt collectif, en effet, résiste à toutes les tentatives de définition positive et a priori. À cette fin, le choix a été fait de l’appréhender non pas directement, mais à partir de l’action de ses représentants, ou des actes résultant de cette action ; en d’autres termes, de sa défense.
Cyril Wolmark :
Ce sujet de thèse faisait d’abord figure de défi, celui de cerner la notion d’intérêt collectif, laquelle file souvent entre les doigts. La force de son auteur est d’avoir su l’étudier à travers un prisme particulier, celui de la défense de l’intérêt collectif. Ce choix permet de dissiper l’obscurité qui entoure généralement l’usage de la notion et de mettre en lumière les ressorts et les évolutions de pans entiers du droit du travail. Ensuite, le corpus premier de la recherche – le droit syndical – méritait une analyse d’ensemble, au moment où l’organisation syndicale devient un acteur privilégié de transformation du droit du travail. Enfin, une autre raison plus académique, dans le prolongement de la précédente, a présidé au choix du sujet : il semblait qu’il manquait un travail de grande ampleur capable de rendre compte des lignes de force du droit des relations professionnelles, aujourd’hui au cœur de toutes les grandes réformes de notre matière.
Quel est, selon vous, l'apport de la thèse au droit ?
LT :
La thèse propose une mise en récit, sur le temps long, de la défense de l’intérêt collectif. Elle donne à voir le processus de construction d’une catégorie juridique, sa genèse et ses transformations, en invitant à centrer le regard sur les acteurs qui la font vivre et sur les résultats de leur action. À partir de l’étude de deux prérogatives emblématiques des organisations syndicales : l’action en justice en défense de l’intérêt collectif de la profession et la négociation collective, les grandes lignes d’un modèle de défense de l’intérêt collectif peuvent être dégagées. C’est ensuite ce modèle qui constitue la référence à partir de laquelle les réformes les plus récentes du droit du travail sont analysées. À cette aune, sont étudiés certains des dispositifs juridiques les plus caractéristiques, parmi lesquels les actions de groupe, les nouvelles règles d’articulation des sources du droit du travail ou encore les accords de performance collective.
CW :
L’apport de la thèse est double. Le travail de M. Thomas offre au lecteur une grille de lecture générale et féconde du droit des relations professionnelles en reprenant de grandes thématiques de la matière : la nature de la représentation syndicale, l’articulation entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif… Mais ce travail livre également de très fines analyses sur des questions moins explorées. A ce titre, il faut citer notamment, les interrogations liées à l’objet statutaire des syndicats, les passages relatifs à la portée de la restructuration des branches, ainsi que la mise en lumière de l’émergence d’un intérêt collectif du personnel. Au-delà du droit du travail, la recherche offre un terrain sûr pour celle ou celui qui dans d’autres disciplines cherche à saisir des intérêts collectifs. Par l’angle historique choisi, notamment dans la première partie, l’auteur réussit à dévoiler la construction, au sens tant de processus que de résultat, d’un intérêt collectif spécifique et ancien. L’analyse de l’intérêt collectif par M. Thomas offre ainsi non pas un modèle mais plutôt une épreuve pour la compréhension d’autres formes d’agrégations d’intérêts individuels.