QUEL AVENIR POUR L'ETAT PROVIDENCE APRÈS
LA CRISE DU CORONAVIRUS ?
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Bernard GAZIER
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Professeur émérite à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
Nous ne sommes, en cette fin de printemps 2020, qu’au début de la crise déclenchée par le confinement massif rendu inévitable en France par la pénurie de masques, de tests et de matériel médical.
Les étapes attendues sont d’abord un lent retour de l’activité économique, différencié selon les régions et les secteurs et conditionné à la neutralisation d’un rebond du virus. Tout laisse à penser qu’il en résultera un important gonflement du chômage. La suite dépendra de l’ampleur des mesures de relance et des efforts d’investissements, avec - ou sans - une implication massive de l’Europe.
Face à autant d’incertitudes, l’exercice qui consiste à s’interroger sur l’avenir de l’Etat providence (ou encore de notre modèle social : système de protection sociale plus droit du travail) « après » la crise du Coronavirus appelle à beaucoup de modestie et suggère de distinguer deux séries de questions. Les unes, à court et même moyen terme, portent sur sa capacité à affronter les turbulences d’une reprise difficile. Les autres à plus long terme cherchent à discerner si et comment notre modèle peut se réformer pour affronter les nouvelles urgences, notamment environnementales, cette crise n’étant finalement qu’un coup de semonce.
A court terme, notre modèle social, souvent critiqué, a été relégitimé. Face à l’effondrement de l’activité, la réponse de l’Etat a été massive et tous azimuts, protégeant les salariés comme les entreprises, et colmatant progressivement les autres brèches : les besoins de revenus des plus pauvres et des indépendants, les précaires, les artistes… L’interrogation sur la soutenabilité de la dette ainsi constituée et venant accroître fortement la dette existante a été reléguée au second plan, et on peut espérer qu’elle recevra une réponse politique dans le cadre de l’Union Européenne, gagnant du temps comme l’a permis la suspension de la réforme des retraites. Le point noir est sans doute l’ampleur des dysfonctionnements de notre système de santé, révélateur d’un Etat ayant déserté les activités de production de biens et services publics pour devenir une « tirelire assurantielle ». Un cercle vicieux menace alors, celui de la montée des demandes catégorielles et des conflits sociaux face à des services publics manquant de moyens et à un appareil de redistribution sursollicité.