QUEL AVENIR POUR L'ETAT PROVIDENCE APRÈS
LA CRISE DU CORONAVIRUS ?
___________
Pierre CAHUC
______
Professeur d'économie à Sciences Po
Les catastrophes naturelles et les guerres suscitent généralement une montée en puissance du rôle de l’Etat. L’épidémie de la Covid-19 ne déroge pas à la règle. Dans la plupart des pays, l’Etat a pris des mesures drastiques pour ralentir l’activité économique afin de limiter la propagation du virus. Ces mesures, d’ampleur sans précédent, sont la conséquence d’un manque de préparation à l’éventualité d’une épidémie majeure. Mais c’est aussi parce que nos sociétés sont devenues riches qu’elles peuvent se permettre de ralentir durablement l’activité économique pour sauver des vies.
En France, l’Etat a mobilisé d’importants moyens pour amortir l’impact social de la crise. Ce sont sans doute les retraités dont les pensions sont restées inchangées, mais aussi les salariés en CDI et les fonctionnaires qui ont été les mieux protégés. Près de la moitié des salariés du privé ont bénéficié d’un dispositif d’activité partielle particulièrement généreux pendant la période de confinement. Une partie importante des fonctionnaires et salariés du secteur public dont l’activité a été ralentie ont conservé l’intégralité de leur rémunération sans avoir besoin de faire appel à l’activité partielle. Quant aux demandeurs d’emploi, ils ont vu leur période d’indemnisation prolongée et l’accès à l’indemnisation chômage a été facilité pour les salariés occupés sur des emplois instables. Les entreprises et les travailleurs indépendants ont bénéficié de reports de charges, de facilités de crédit et d’aides ponctuelles pour compenser leurs baisses de chiffre d’affaires. Les grandes entreprises des secteurs les plus touchés par le ralentissement de l’activité économique ont bénéficié d’aides publiques massives.
Cette véritable explosion des services rendus par l’Etat providence suscite des demandes de protection supplémentaire. Entreprises et salariés réclament une prolongation des dispositions qui ont accru la générosité du dispositif d’activité partielle. Le souci d’éviter des faillites et des plans de sauvegarde en chaîne motive des demandes de soutien aux entreprises et de redéploiement d’une politique industrielle interventionniste. Les partenaires sociaux cherchent à réviser les règles de l’assurance chômage en voulant pérenniser certaines mesures transitoires instaurées par le gouvernement afin d’accroître la protection des demandeurs d’emploi.
Mais c’est aussi le manque de préparation des pouvoirs publics à la gestion de l’épidémie qui suscite une demande accrue d’Etat providence pour protéger les populations des catastrophes naturelles, et en premier lieu celles qui pourraient résulter du réchauffement climatique. Pendant la crise du coronavirus, des voix se sont élevées pour exiger que l’Etat relocalise de nombreuses activités sur le territoire national et investisse massivement afin de réduire la pollution et de s’engager résolument dans une transition écologique.