Certains l’ont fait et d’autres le feront demain bien mieux que moi, aussi n’ai-je ni l’envie ni le goût d’analyser les mesures sociales décidées par l’exécutif au titre de l’urgence sanitaire. Que dirais-je qui ne soit déjà dit ou écrit sur la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et les ordonnances qui lui ont succédé ? Que l’épidémie a surpris le monde entier par son ampleur et qu’elle impose son rythme ? Que le temps n’est pas aux tergiversations et que la nécessité d’agir dicte sa loi ? Qu’il faut bien adapter les conditions de travail-et partant le droit social- à cette secousse inédite ( au moins à l’échelle d’une vie ou presque ) provoquée par l’irruption du virus dans la vie de millions de personnes ( pour n’évoquer que la France et l’Europe) ? Qu’il y a déjà et aura demain des répliques sismiques dans l’ordre économique ? Que si l’épidémie touche tout le monde, tout le monde ne vit pas le confinement dans les mêmes conditions et qu’en particulier, les plus précaires d’aujourd’hui risquent de voir demain leur emploi salarié ou indépendant fragilisé. La double peine en quelque sorte.
Je ne doute pas que l’ardente obligation d’agir pèse lourdement sur les épaules de ceux qui ont été élus. Je ne peux cependant oublier que les mesures d’urgence, pour fondées qu’elles soient, ont parfois une tendance à durer par le double effet de la paresse intellectuelle ou bureaucratique et de l’égoïsme des « passagers clandestins » qui voient dans ces mesures l’opportunité de réaliser ce dont ils rêvaient jusque-là.
Quant aux souffrances des malades, de leurs familles et des équipes médicales, la mise en tension du système de santé et les suites économiques de la pandémie et du confinement, elles sont trop évidentes pour qu’on y revienne. Même les plus hystériques des néo-libéraux, au demeurant bien silencieux ces derniers temps*, ont quelque peine à refuser de voir en face la situation, si rodés soient-ils à nier jusqu’à l’existence d’une réalité qui s’obstine à ne pas rentrer dans leurs « scientifiques » schémas.
On s’arrêtera donc à la notion d’urgence pour rappeler qu’indissolublement liée à l’action, elle dévoile des ressources insoupçonnées autant qu’elle voile les causes les plus profondes des phénomènes qui la justifient.
L’urgence et l’action.
La notion d’ urgence ne peut être pensée que dans un rapport à l’action ( dont la décision est une composante nécessaire ). Si toute action n’est pas fondée sur l’urgence, toute urgence traduit une nécessité d’agir, et d’agir immédiatement. Le processus de délibération et de décision en amont de l’action s’en trouve resserré, par la force de l’évènement déclencheur. C’est la raison pour laquelle l’action pressante (= sous pression et donc sous contrainte ) est toujours plus une réaction qu’une action, la nécessité d’agir écrasant alors le temps de la délibération. C’est pourtant cette dernière qui donne à la décision sa rationalité et sa légitimité sociale autant que politique.
On découvre alors tout l’intérêt de la prévention puisque celle-ci permet une délibération en amont et par conséquent ouvre la faculté de mettre en œuvre une pensée rationnelle avant que l’urgence de la réalisation du risque n’empiète sur elle.