Si un économiste peut avoir beaucoup à dire, avec certes une grande prudence, quant aux impacts de la pandémie sur les systèmes productifs, commerciaux et financiers ou sur le budget et l’endettement des Etats, il est mal armé s’il doit s’interroger sur la nature des réactions du droit du travail dans l’urgence. Une première difficulté surgit lorsqu’il se souvient que Gérard Lyon-Caen mettait en évidence la dualité intrinsèque du droit du travail, tout à la fois garant des droits individuels et collectifs des travailleurs et outil d’exercice donc de légitimation du pouvoir de gestion de l’employeur. Une seconde difficulté est liée à la notion d’urgence, c’est-à-dire à la détermination de l’horizon temporel en référence auquel est définie la norme juridique.
Il est commode de prendre pour point de départ l’exemple le plus simple. L’extension des conditions d’accès à l’indemnisation de l’activité partielle ainsi que l’amélioration de son niveau relèvent typiquement de l’urgence. Ce sont des mesures rapidement mises en œuvre et rapidement réversibles lorsque les conditions économiques ont changé. Mais les justifications qui sont avancées sont duales.
Il s’agit de favoriser la stabilité de l’emploi des titulaires de contrats à durée indéterminée et de maintenir un niveau de revenu qui alimente la demande solvable. Il s’agit aussi d’alléger le coût salarial des entreprises et de leur permettre de maintenir un lien avec le collectif de travail dont elles auront besoin lors de la reprise anticipée. Dans l’urgence, l’adaptation du droit du travail apparaît fonctionnelle et consensuelle. Il accomplit sa double besogne au bénéfice d’une large fraction des employeurs, d’un côté, et des travailleuses et travailleurs, de l’autre.